LA FIBROMYALGIE OU LES DOULEURS INCOMPRISES

Mal compris, le syndrome de la fibromyalgie n’en provoque pas moins des douleurs réelles et pénibles à supporter au quotidien.

Enigmatique à bien des égards, le syndrome de fibromyalgie est une affection néanmoins réelle et relativement fréquente. On estime qu’elle touche environ 2 à 4% de la population générale, avec une nette prédominance chez les femmes. Parmi ses symptômes les plus caractéristiques: une grande fatigue, des douleurs chroniques (pendant plus de trois mois) et diffuses, que certains patients comparent à de fortes courbatures. Ces douleurs sont ressenties à proximité des articulations, au niveau des muscles et des tendons. Les bras, les jambes, la nuque, le dos, le bassin, notamment, peuvent être concernés. Ces douleurs sont parfois associées à d’autres symptômes, parmi lesquels des troubles du sommeil, une raideur matinale, des migraines et céphalées de tension ou des troubles digestifs.

Un long parcours

Une maladie imaginaire?

Les personnes atteintes de fibromyalgie font souvent l’objet de préjugés, du fait que la maladie échappe aux méthodes diagnostiques habituelles. Or, ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas de lésion objectivable que les plaintes du patient ne sont pas légitimes. La Ligue suisse rappelle qu’il ne s’agit pas d’une maladie imaginaire, car elle laisse des traces typiques dans le corps (manque de sélénium, faibles niveaux de carnitine dans les muscles, taux élevés d’anticorps anti-sérotonines), bien que la littérature internationale ne soit pas unanime. Par ailleurs, note le Dr Michael Norberg, «on peut, dans le cadre de la recherche (mais pas en clinique), montrer grâce à l’IRM-fonctionnelle une claire dysfonction de certaines zones cérébrales».

Un tableau clinique complexe, individuel, et un chemin menant au diagnostic souvent long. Et pour cause, comme l’indique le Ligue suisse contre le rhumatisme, il n’existe pas de critères clairs permettant d’établir le syndrome de fibromyalgie. Celui-ci ne pouvant être définitivement posé qu’«à l’issue d’une longue démarche d’exclusion, qui prend parfois cinq à dix ans».

Aujourd’hui, plusieurs outils existent pour cerner le mal. Depuis 2010, les médecins ont à disposition de nouveaux critères diagnostiques, basés sur l’interrogatoire du patient. L’échelle «Widespread pain index» permet de comptabiliser le nombre de zones douloureuses du corps, parmi les 19 préalablement définies. Mais les médecins s’intéressent également à la sévérité des symptômes autres que la douleur qui peuvent se présenter. Un examen clinique approfondi servant à exclure une origine somatique aux douleurs exprimées est aussi réalisé, de même que des analyses biologiques si besoin. Ces interrogatoires sont généralement répétés, étant donné le caractère évolutif de la maladie. Il arrive par ailleurs que les médecins continuent de mesurer la sensibilité à la douleur sur certains points d’insertions musculaires, selon des critères diagnostiques plus anciens. Ni les causes de la maladie, ni les méthodes diagnostiques, ni la prise en charge ne font l’objet de consensus auprès des spécialistes. Notons toutefois que selon la nouvelle définition de la fibromyalgie (2010), elle peut coexister avec d’autres maladies, surtout rhumatismales. De plus, elle devient une entité à part entière même quand les résultats d’analyse de laboratoire sont normaux, mais que les douleurs persistent.

Traiter les symptômes

Rente invalidité

L’Organisation mondiale de la santé a reconnu la fibromyalgie comme une maladie rhumatismale en 1992. En Suisse, jusqu’en 2015, l’assurance-invalidité rejetait les demandes de rente des assurés souffrant de troubles sans cause claire ni constat de déficit organique comme la fibromyalgie, s’ils n’étaient pas associés à des critères de gravité et/ou à une maladie psychique. Une nouvelle jurisprudence donne de l’espoir aux patients fibromyalgiques qui remplissent les «nouveaux» critères exigés, comme preuve de leur incapacité à travailler.

Aujourd’hui, le traitement de la maladie consiste à soulager les douleurs chroniques et à atténuer les autres symptômes, selon un programme individualisé et multimodal, alliant des méthodes médicamenteuses et non médicamenteuses (physiothérapie, etc.). «Le but de l’utilisation des antidépresseurs est d’influencer le seuil de la douleur qui est fortement abaissé chez les patients fibromyalgiques, et de la remonter afin de rendre les douleurs moins envahissantes», explique le Dr Michael Norberg, responsable de l’Unité de rachis au Centre médical et thérapeutique de la Lignière.

Il semble également qu’une activité physique adaptée soit profitable sur le plan des douleurs, du sommeil et du bien-être en général. Enfin, la psychothérapie et/ou un traitement psychosomatique peuvent être utiles pour appréhender différemment les douleurs et mieux gérer les stress de l’existence. Le but de ces différentes approches étant toujours d’améliorer la qualité de vie du patient et de lui permettre de poursuivre le plus possible ses activités habituelles.

Un mal inexpliqué

L’origine des symptômes du syndrome de fibromyalgie reste un mystère. Plusieurs hypothèses existent, mais aucune ne fait l’unanimité. Si une prédisposition génétique semble se dessiner, ce ne serait de loin pas la seule cause. Pour certains, elle est un trouble de la perception et de l’assimilation de la douleur. Pour d’autres, le stress serait la cause principale de la maladie, qui serait alors l’expression d’une gestion anormale de ce dernier, associée à un contrôle défaillant de la douleur. Dans le même sillage, certains voient dans la maladie une expression psychosomatique de traumatismes ou conflits mal vécus. Parmi les autres théories, la fibromyalgie serait une maladie des mitochondries, les «centrales énergétiques» de nos cellules, ou résulterait d’une hyperacidité au sein du tissu conjonctif. Enfin, des carences nutritionnelles pourraient favoriser sa survenue. «Pour terminer, les dernières recherches montrent qu’il y a une dysfonction au niveau du centre de la douleur avec une perturbation du métabolisme, dont l’origine reste peu claire. Néanmoins la douleur reste réelle», conclut le Dr Michael Norberg. La recherche continue pour tenter de cibler les déclencheurs et facteurs d’entretien de ce syndrome.

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