Fibromyalgie : la double peine

Fibromyalgie : la double peine

Qu’est-ce que la fibromyalgie, cette maladie de ceux « qui ont mal partout » ? Ce syndrome, qui toucherait 2 millions de personnes en France, reste inconnu, ou du moins souvent méprisé, y compris par le corps médical. Laissant sur le carreau des patients en souffrance : aux douleurs physiques réelles s’ajoute celle d’être perçus comme des râleurs un peu douillets.

Caroline Langlois

Fibromyalgie : une maladie si peu reconnue

La saga fibromyalgie

« Fibromyalgie. Lorsque, après de nombreux examens pour écarter d’autres pathologies, le pronostic est tombé, ce terme m’était totalement inconnu. » Comme Isabelle, 55 ans (lire l’intégralité de son témoignage), de nombreux patients ont découvert l’existence de ce syndrome à l’issu d’un parcours du combattant, souvent long et douloureux, avant d’obtenir un diagnostic et comprendre, enfin, l’origine de ces douleurs diffuses qui emprisonnent leurs corps dans un étau de souffrance.

« D’où vient ce syndrome ? On l’ignore », avoue le docteur Jean-François Marc, rhumatologue. « Ce que l’on est en mesure de dire aujourd’hui, après des années de recherche et ce que l’on pourrait appeler la « saga fibromyalgie », c’est qu’il s’agit d’un ensemble de symptômes, de plaintes, qui n’ont pas de causes reconnues. ». Sortie des limbes des maladies rhumatologiques dites « psychogéniques » en 1976, la définition de la fibromyalgie n’a cessé, depuis, d’être modifiée.

En 1992, le syndrome fait son apparition dans la classification internationale des maladies de l’OMS. Depuis 2010, de nouveaux critères permettent aux médecins de poser un diagnostic plus précis, bien que, selon une étude canadienne, il y a encore 60% d’erreur. « On m’a annoncé que j’étais atteinte de fibromyalgie qu’en 2010 », explique Argane, 36 ans. « Diagnostic que je n’espérais plus car après avoir consulté toutes sortes de spécialistes qui me disaient à chaque fois que je n’avais rien ou que c’était purement psychosomatique, je n’attendais plus grand chose du corps médical français ! »

Dans le corps d’un octogénaire

Les symptômes d’Argane, pourtant, sont bien réels. Douleurs diffuses, problèmes de fatigue, mauvais sommeil… « C’est le plus pénible, insiste la jeune femme. On se lève le matin souvent plus exténué que lorsque l’on s’est couché, avec en prime toutes les articulations verrouillées, une barre dans le dos au niveau lombaire, et parfois même, besoin de l’aide d’une tierce personne pour sortir du lit ! ». Cet état est, dans les grandes lignes, celui qui caractérise l’immense majorité des patients atteints de fibromyalgie. « La meilleure image que je puisse offrir, précise Argane, c’est le sentiment d’habiter le corps d’un octogénaire, et ce depuis l’adolescence ! »

Un diagnostic par élimination

Si les douleurs et la fatigue sont communes à tous les patients, les autres symptômes diffèrent d’un malade à l’autre, rendant plus complexe encore le diagnostic. « Avec la fibromyalgie, il n’y a que des cas particuliers ! » explique le Dr Jean-François Marc. « Depuis 2010, pourtant, il existe un certain nombre de critères qui permettent aux médecins de déceler la présence de ce syndrome. » La première étape consiste par exemple à éliminer toutes les autres maladies susceptibles d’avoir pour symptômes des douleurs diffuses.

« Je suis atteinte de fibromyalgie depuis de nombreuses années – au moins 15 ans ! – mais je n’ai été diagnostiquée qu’il y quatre ans », raconte Christoun. « Je ne suis pas du genre à me plaindre, et les rares fois où je l’ai fait, les médecins me répondaient « Moi aussi, madame, j’ai mal au dos ! » ». Cette fin de non-recevoir, de nombreux patients l’ont essuyée avant d’être enfin pris au sérieux. « Cela faisait des années que je parlais de mes douleurs, explique Kinou, mais les médecins me répondaient “On croirait entendre un patient de 75 ans. Mais ceux-ci arrivent encore à bécher leur jardin !” ».

Pour Argane, ce manque de reconnaissance est parfois plus douloureux que la maladie elle-même : « Les douleurs sont pénibles, mais le plus dur, c’est d’être entendu. Par les proches, les collègues, et surtout par le corps médical non spécialisé et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie. » En effet, la maladie a longtemps eu la réputation d’être purement psychosomatique. « La douleur n’est pas prise en compte, et ça, c’est insupportable ! » s’insurge la jeune femme. « Nous sommes, pour le moment, perçus comme des hypocondriaques, et c’est une grande injustice. »

Facteur psy : l’œuf ou la poule ?

Psychosomatique, la fibromyalgie ? Pas si simple. « La fibromyalgie n’est assimilable à aucune maladie psychiatrique caractérisée », précise le Dr Charley Cohen, rhumatologue et auteur de La Fibromyalgie, un état douloureux enfin reconnu et pris au sérieux . Pour autant, dans 30% des cas, les patients fibromyalgiques sont également traités pour dépression.

C’est le cas de Kinou : « Je suis allée consulter un psychiatre car j’avais trop de douleurs, de fatigue et de mauvaises pensées. Mais dès mon premier rendez-vous, j’ai demandé à mon psy s’il était possible que ma condition physique soit à l’origine de ma dépression. Peu de temps après, j’ai été diagnostiquée fibromyalgique. »

« On ne peut pas résumer la fibromyalgie à un symptôme dépressif », insiste néanmoins le Dr Marc. « A force de souffrir, de ne pas être reconnu, cela peut conduire à un alitement dépressif, si bien que certains patients ne luttent plus contre la maladie, ils la subissent ». La dépression serait donc un symptôme de la fibromyalgie, et non le contraire.

« Une douleur qui devient chronique engendre des perturbations sur la vie familiale, professionnelle, affective… » renchérit le Dr Cohen dans son ouvrage sur la fibromyalgie. « Elle finit par retentir sur le psychisme du patient et peut provoquer alors des troubles dépressifs. A son tour, la dépression réactionnelle entretient ou majore la douleur. C’est la spirale infernale. »

Dépressif ou non, pour le Dr Marc, il est intéressant d’inviter le patient à creuser dans son enfance pour y trouver des réponses : « Le patient a la solution, bien souvent ! », explique-t-il. « Tant qu’on ne fait que du traitement symptomatique et superficiel, on permet aux patients de mieux vivre avec ses douleurs, mais on ne règle rien ».

 

La guérison est possible

Beaucoup de facteurs restent donc inconnus, mais la recherche progresse. « La fibromyalgie serait un dérèglement des voies de la douleur, dû sans doute à un gros stress durant l’enfance, voire la vie prénatale » avance le rhumatologue. « La partie du cerveau qui gère le stress serait alors traumatisé, et plus tard, à l’âge adulte, le corps ne serait plus en mesure de répondre au stress de façon correcte. »

Autre difficulté pour le médecin et son patient : le choix du traitement. La première réponse au syndrome est pharmacologique. Les douleurs sont en effet soulagées grâce à des antalgiques et des antidépresseurs (non pour traiter la dépression mais pour agir sur les neurones qui gèrent la douleur). Puis à chaque symptôme, sa réponse pharmacologique. Là encore, « il n’y a que des cas particuliers » souligne le Dr Marc.

La seconde partie du traitement est thérapeutique et peut différer, là aussi, en fonction du patient : cure thermale spécialisée, physiothérapie, sophrologie, programme dédié… « J’ai d’abord essayé la balnéothérapie », raconte Brigitte, diagnostiquée fibromyalgique depuis trois ans. « C’était très bien, mais insuffisant. J’ai ensuite fait une cure à Barbotan (voir encadré), et c’était une excellente expérience. J’y ai découvert le Qi Qong et la sophrologie. Grâce à un stage de Qi Qong avec le dr Liu Dong, j’ai retrouvé le sommeil. » Brigitte a également testé l’acupuncture, l’ostéopathie crânienne, la méditation en pleine conscience et même le hammam !

« Tous ces traitements soulagent, mais ne permettent pas de guérir, avertit le Dr Marc. Cela aide le patient à vivre avec sa douleur, à mieux la gérer ». Le désespoir pointe souvent dans les témoignages de malades, mais le médecin tient à le souligner : « On guérit de la fibromyalgie ! Il ne s’agit pas d’un état définitif ».

Qu’elle dure cinq, dix ou vingt ans, la pathologie serait bien plus supportable pour la plupart des malades si les proches, comme les professionnels de santé, prenaient enfin au sérieux ces personnes en souffrance, qui bien souvent, ne demandent qu’à guérir. « Quoi qu’il en soit », insiste Brigitte, battante et volontaire, « même si certaines personnes ne comprennent pas la maladie, il ne faut surtout pas se refermer sur soi. »

 

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