Par Dr Philippe Montereau
La fibromyalgie, dans la quasi indifférence des médecins quand il y a de nouveaux
: des douleurs, qui se généralisent progressivement, et une fatigue intense. Une maladie très fréquente mais il ne faut pas attendre beaucoup d’aide de la part des médecins, qui ne l’aiment pas beaucoup. Pourtant, une nouvelle piste a vu le jour.
C’est héréditaire ? C’est génétique ? C’est psy ? Ça vient d’où ?
Si on savait où se situe l’origine, on aurait déjà une piste ! On pourrait citer pêle-mêle, des anomalies musculaires, une infection virale, des troubles hormonaux, une hypersensibilité à la douleur… Rien n’a été prouvé. Et puis la maladie est souvent reliée à un événement initiateur : un stress ou un traumatisme. Ce qui explique que ça se termine souvent chez le psy. Sans beaucoup d’effet.
Les médecins pataugent. Entre ceux qui vont un peu vite à la case psychiatrique et ceux qui s’acharnent avec des batteries d’examens qui ne servent à rien. C’est une maladie qui, dans toutes les approches, coûte cher à la collectivité. Et pendant ce temps… le malade souffre.
Alors le médecin donne des médicaments contre les symptômes. Contre la douleur, contre le mauvais sommeil, contre le moral en berne… On empile les médicaments et les effets secondaires, sans traiter la maladie… Parce qu’on ne sait pas le faire.
La fibromyalgie est quasi-inconnue en Europe, alors qu’aux Etats-Unis, elle représente près d’un cas sur dix d’invalidité notifiée. Pourquoi mettre un nom à une maladie si on ne sait pas la traiter ?
Parce que cela change tout ! D’abord pour arrêter le « nomadisme médical », car ce sont des malades qui vont de médecins en médecins. On estime que cela dure en moyenne 6 ans. Pour faire des économies et permettre de s’ouvrir à des techniques de relaxation qui peuvent soulager, beaucoup mieux que les médicaments.
Une nouvelle piste pleine d’espoir
Une équipe vient de découvrir qu’une auto-immunité ciblant les petites fibres nerveuses peut être à l’origine de douleurs chroniques. Des injections d’immunoglobulines améliorent la douleur.
Une étude réalisée dans certains syndromes douloureux chroniques secondaires à des lésions des petites fibres nerveuses terminales démontre que certains de ces cas sont causés par une maladie auto-immune. L’étude propose également la première option de traitement efficace sur ce syndrome.
Cette étude pilote sur 55 malades diagnostiqués avec ce qui semble être une polyneuropathie auto-immune des petites fibres (SFPN) montre que le traitement par immunoglobulines intraveineuses, utilisé pour traiter d’autres maladies auto-immunes, soulage les douleurs chez 75 % des patients.
« C’est le premier traitement qui a le potentiel d’améliorer réellement les lésions nerveuses, et pas seulement de bloquer les douleurs avec des médicaments tels que les opioïdes ou les psychotropes et qui ne traitent pas la cause », explique le Pr Anne Louise Oaklander, directeur du département de neurologie au Massachusetts General Hospital et auteur principal d’un article recevant une publication en ligne anticipée dans la revue Therapeutic Advances in Neurological Disorders. « Il s’agit d’une étude preuve de concept qui montre que la modulation du système immunitaire peut être efficace pour traiter une atteinte des petites fibres nerveuses apparemment d’origine auto-immune, une maladie dont la plupart des malades douloureux ne se savent pas atteints ».
Atteinte des petites fibres nerveuses
Cette nouvelle maladie consiste en des lésions touchant spécifiquement les minuscules fibres nerveuses qui transmettent des signaux de douleur ou contrôlent les fonctions internes de notre corps telles que la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la transpiration (système nerveux végétatif).
Les patients qui en sont atteints développent souvent des douleurs chroniques, de la fatigue, de la faiblesse ou des malaises en position debout, une fréquence cardiaque rapide ou des problèmes gastro-intestinaux.
Les causes actuellement connues de cette maladie des petites fibres nerveuses incluent le diabète, d’autres maladies auto-immunes, des infections comme la maladie de Lyme et certains virus et la chimiothérapie, mais cet article s’est focalisé sur les 30 à 50 % de malades douloureux chez lesquels aucune cause n’a été trouvée lors de leur première évaluation, conduisant à un diagnostic de syndrome des petites fibres nerveuses « idiopathique ».
Des études précédentes du groupe d’Oaklander et d’autres équipes ont suggéré que certains de ces patients ont une maladie auto-immune sous-jacente et non diagnostiquée.
Enfin une origine pour les douleurs
Dans une étude publiée en 2013 dans Pediatrics, l’équipe d’Oaklander avait présenté les premières preuves d’une origine auto-immune dans certains cas de syndrome d’atteinte des petites fibres nerveuses chez des enfants et des adolescents.
Alors que ces jeunes en bonne santé n’avaient aucune explication médicale pour leur atteinte des petites fibres, les chercheurs ont noté que beaucoup avaient des antécédents personnels ou familiaux de maladies auto-immunes ou des marqueurs d’activation immunitaire/inflammatoire. Ces faits et d’autres preuves ont conduit l’équipe à proposer l’existence de syndrome d’atteinte des petites fibres nerveuses d’origine auto-immune, maladie dans laquelle le système immunitaire attaquerait directement les petites fibres nerveuses.
Plusieurs autres types de lésions nerveuses causées par des agressions auto-immunes sont déjà connus : contre les racines nerveuses dans le syndrome de Guillain-Barré ou contre les grosses fibres nerveuses dans les maladies auto-immunes systémiques comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus, maladies qui ont par ailleurs été également associées au syndrome d’atteinte des petites fibres nerveuses.
Intérêt des gammaglobulines
L’étude d’Oaklander de 2013 dans Pediatrics avait également rapporté que le traitement par des médicaments stéroïdiens ou des immunoglobulines était capable d’améliorer 12 des 15 enfants traités.
L’efficacité des corticoïdes est également démontrée dans quelques autres publications, mais leur utilisation à long terme cause des effets secondaires indésirables.
L’étude actuelle a été réalisée avec un traitement à base d’immunoglobulines intraveineuses, un traitement approuvé dans une grande variété de troubles immunitaires et qui peut être prescrit hors-indication pour d’autres maladies immunitaires.
L’équipe a examiné les dossiers médicaux de 55 malades douloureux chroniques du Massachusetts General Hospital répondant aux critères de diagnostic du syndrome d’atteinte des petites fibres nerveuses, et ne présentant aucune cause connue selon les moyens diagnostiques actuels. Ces malades ont été traités par immunoglobulines intraveineuses à une dose initiale de 2 grammes par kilogramme de poids toutes les quatre semaines.
Tous sauf quatre ont été traités pendant au moins trois mois. Les 4 qui ont abandonné l’ont fait en raison d’une intolérance aux immunoglobulines. L’analyse d’efficacité du traitement était basée sur neuf types de critères validés, qui ont tous été améliorés : 74 % des 51 patients ont noté que leurs douleurs et leurs symptômes s’étaient améliorés après le traitement, tout comme 77 % de leurs médecins. Pour 8 patients, les symptômes se sont tellement améliorés qu’ils ont été capables de diminuer progressivement tout traitement associé et finalement de l’interrompre.
Tout d’une révolution
Selon le Pr Oaklander, « bien qu’il ne s’agisse pas d’un essai clinique contrôlé, les résultats sont tellement surprenants qu’ils sont en train de changer de paradigme dans cette maladie car le fait qu’un traitement immunomodulateur soit aussi efficace est la preuve la plus solide que certaines personnes souffrant d’une douleur chronique en rapport avec un syndrome d’atteinte des petites fibres ont une cause auto-immune qui peut être traitée ».
Bien que l’immunothérapie ne soit pas indiquée pour tous les syndromes douloureux avec atteinte des petites fibres nerveuses, ceux qui ont une forme idiopathique doivent désormais être systématiquement dépistés pour toutes les causes connues, ainsi que pour une cause auto-immune et discuter des immunoglobulines intraveineuses.
Cette étude pilote doit être validée dans un essai clinique prospectif et contrôlé qui est en cours d’organisation. Développer les connaissances sur la cause auto-immune encore inconnue qui affecte certaines petites fibres nerveuses devrait conduire à identifier des mécanismes immunologiques plus précis et mener à des immunothérapies moins coûteuses et plus faciles à gérer que l’immunoglobuline intraveineuse. En France, le diagnostic de syndrome douloureux chronique en rapport avec des lésions des petites fibres nerveuses peut se faire sur différents examens dont le Sudoscan et la biopsie de peau pour analyser la densité des petites fibres nerveuses terminales dans la peau.
L’association de patients
http://fibromyalgies.fr/